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23.06.2024

Allaitement et informations épigénétiques transférées à l’enfant

Définition

L’épigénétique correspond à l’étude des changements dans l’activité des gènes, n’impliquant pas de modification de la séquence d’ADN et pouvant être transmis lors des divisions cellulaires.

Les modifications épigénétiques sont induites par l’environnement au sens large : la cellule reçoit en permanence toutes sortes de signaux l’informant sur son environnement, de manière à ce qu’elle se spécialise au cours du développement, ou ajuste son activité à la situation. Ces signaux, y compris ceux liés à nos comportements (alimentation, tabagisme, stress…), peuvent conduire à des modifications dans l’expression de nos gènes, sans affecter leur séquence.

Le phénomène peut être transitoire, mais il existe des modifications épigénétiques pérennes, qui persistent lorsque le signal qui les a induites disparaît. (INSERM 2015)

Rôle de l’allaitement

L’allaitement fournit des informations épigénétiques à l’enfant sous forme de cellules souches maternelles, d’hormones et de messagers miRNA qui jouent un rôle important dans le métabolisme et la protection sur le court et le long terme contre les maladies non transmissibles (MNT), dites « maladies de civilisation » (obésité, diabète, cancer, hypertension, maladies cardio-vasculaires…). Lancet Breastfeeding Series 2016

Les miARN dans le lait humain

« Le lait maternel est un liquide complexe et multiforme qui joue un rôle essentiel dans le développement des nourrissons. Il est composé d’eau, d’hydrates de carbone, de graisses, de protéines, de vitamines et de minéraux, ainsi que de nombreux composés bioactifs tels que des hormones, des oligosaccharides et des protéines immunitaires. En outre, le lait maternel contient des microARN, dont on a constaté qu’ils régulaient l’expression des gènes et avaient un impact sur divers aspects du développement du nourrisson. » Slyk-Gulewska P et al., MicroRNA as a new bioactive component in breast milk 2023, https://doi.org/10.1016/j.ncrna.2023.06.003

« On a identifié plus de 1400 miARN dans le lait humain. Leur profil dépend de l’alimentation maternelle, de la flore intestinale, de facteurs génétiques, et du temps écoulé depuis la naissance. Il est probable que ce profil s’adapte à l’évolution des besoins du bébé allaité. Ces miARN ont été associés à la modulation de l’expression de plus de 4000 sites de l’ADN impliqués dans le développement et le fonctionnement immunitaire. […] Il semble que les miARN soient résistants à la pasteurisation. Le lait de vache contient des miARN et on en a détecté dans les laits industriels à base de lait de vache, mais à un taux très faible. » Ames SR et al. 2023 https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37055920/

Les microARN du lait maternel, acteurs potentiels de la régulation du système nerveux : « Le lait maternel est la référence en matière de nutrition des prématurés et des enfants nés à terme. Il combine tous les nutriments essentiels et les facteurs bioactifs, soit synthétisés dans le sein en lactation, soit transférés par la circulation systémique. Il assure les fonctions essentielles de la mère allaitante et de l’enfant allaité. La composition du HBM est dynamique et peut varier en fonction de divers facteurs liés à la mère, à l’enfant, à l’environnement et à la physiologie. Parmi toute la variété des composants bioactifs, on trouve les miARN ». Freiría-Martínez L et al. 2023 https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37513702/

« Les miARN présents dans le lait humain proviennent des cellules épithéliales mammaires. Ceux qui sont inclus dans les exosomes résisteront à la digestion et pourront passer dans la circulation sanguine du bébé allaité. On a constaté la présence de miARN dans de nombreux fluides corporels. Nombre d’entre eux pourront être présents dans ces divers fluides, et certains sont particulièrement abondants dans un fluide spécifique. Le profil variable des miARN dans les fluides humains suggère que ces miARN sont synthétisés de façon sélective pour chaque fluide. Le lait humain est l’un des fluides corporels humains les plus riches sur le plan des miARN. En revanche, les laits industriels ne contiennent presque pas de miARN (dont l’activité biologique ne sera pas forcément la même). » Freiría-Martínez L et al. 2023 https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37513702/

« De plus en plus d’éléments indiquent que le lait fonctionne comme un transmetteur ou un relais entre le génome maternel de la lactation et la régulation épigénétique des gènes du receveur de lait qui, dans des conditions physiologiques, est le nouveau-né, mais qui, dans des conditions néolithiques, est le consommateur humain de lait bovin. En fait, les processus épigénétiques sont considérés comme jouant un rôle central dans la régulation de l’expression des gènes spécifiques aux tissus et, par conséquent, les altérations de ces processus peuvent induire des changements à long terme dans l’expression des gènes et le métabolisme qui persistent tout au long de la vie. Parce que le lait humain protège contre les maladies de civilisation à un âge avancé, l’Organisation mondiale de la santé recommande l’allaitement maternel exclusif jusqu’à six mois et la poursuite de l’allaitement pendant au moins les deux premières années. » Melnik et Schmitz, 2017 https:/pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28933365/

L’EGF (Epidermal Growth Factor)

À l’occasion de la diversification, le bébé reçoit des quantités croissantes d’aliments variés tandis que le volume de lait maternel baisse. Cela induit la formation de canaux de passage associés aux cellules en gobelet au niveau de l’intestin grêle et du colon. L’EGF pourrait être un régulateur majeur de l’inhibition de la création de canaux de passage avant le sevrage, via sa fixation sur les cellules en gobelet, d’après des études chez des souris. Même s’il existe d’autres voies de translocation au niveau des parois intestinales, ces canaux sont la principale voie de passage pour le transport de molécules présentes dans la lumière intestinale vers la lamina propria. Ces molécules, incluant des antigènes bactériens et alimentaires, stimuleront le système immunitaire local et faciliteront la régulation des cellules T afin de promouvoir une tolérance aux antigènes, avec un impact à long terme. Ce mécanisme est associé au risque de survenue d’une colite, d’une inflammation ou d’un cancer intestinal pendant le reste de la vie. Ames et al. 2023 https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37055920/

Bibliographie (chronologique)