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Immunobiology

23.06.2024

L’allaitement confère des facteurs immuno-protecteurs au bébé et l’aide à construire son propre système immunitaire pour la vie.

L’allaitement maternel est aujourd’hui plus important que jamais en tant qu’alimentation optimale de l’enfant d’une part, et d’autre part en raison de son rôle fondamental pour soutenir et construire le système immunitaire humain pour toute la vie.

Document d’IBFAN : L’allaitement et le système immunitaire

Document de janvier 2023 avec 25 références scientifiques édité par IBFAN (Carol Bartle et al).

Que savent les parents ?

La plupart des parents connaissent l’impact bénéfique général de l’allaitement sur la santé du bébé. Le système immunitaire de leur enfant est immature à la naissance, et peu de parents savent que l’allaitement non seulement protège l’enfant par le transfert d’immunoglobulines et d’autres facteurs immuno-compétents, mais que le lait maternel aide leur bébé à renforcer et à faire mûrir son système immunitaire.

En effet, l’allaitement non seulement renforce le système immunitaire de l’enfant, mais le lait maternel contribue également à développer le système immunitaire infantile encore immature. L’allaitement apporte à l’enfant de nombreux facteurs immuno-protecteurs : des facteurs spécifiques (adaptés à l’environnement de la mère et de l’enfant) et non spécifiques (ceux qui sont présents dans la composition de base du lait maternel dès le début) comme les IgA, les cytokines, les oligosaccharides humains (environ 200), les protéines tueuses de tumeurs, et bien d’autres dont la liste est longue (voir ci-dessous).

De plus, l’allaitement construit et nourrit le microbiote de l’enfant. Le lait maternel agit sur la flore intestinale et les muqueuses, deux filtres protecteurs importants contre les agents pathogènes et les virus. Comme l’écrivait déjà en 2004 le chercheur Lars A. Hanson : L’allaitement protège le bébé et le nourrit. Les principaux composants du lait humain ne sont pas principalement destinés à la nutrition, mais à la défense de l’hôte (voir Immunobiologie du lait humain – Comment l’allaitement protège les bébés, 2004).

Les connaissances et la recherche sur le rôle dynamique, protecteur et physiologico-immunitaire du lait maternel révèlent le rôle important et l’impact durable sur la santé de l’enfant allaité – santé du futur adulte.

Poster sur un bus au Luxembourg : Pour immuniser mon bébé, j’allaite.

Microbiote

Le microbiote est la grande variété de micro-organismes qui vivent dans un certain environnement : le « microbiote humain » comprend donc toutes les bactéries, tous les virus, tous les champignons et tous les autres organismes unicellulaires qui vivent dans le corps humain. Chaque corps humain est l’hôte de 10 à 100 billions de micro-organismes appartenant à plus de 1 000 espèces différentes. Ces organismes vivent dans de nombreux endroits du corps humain, tels que la peau, l’intestin, la bouche, les poumons, etc. comme égalment dans le lait maternel.

L’allaitement maternel construit et nourrit le microbiote de l’enfant, le lait maternel agit sur la flore intestinale et les muqueuses, deux importants filtres protecteurs contre les agents pathogènes et les virus. Comme l’écrivait le chercheur Lars A Hanson déjà en 2004 : l’allaitement protège le bébé, et en plus, il le nourrit : « Les composants principaux du lait humain ne sont pas en premier lieu pour nourrir, mais pour défendre le bébé. » (dans Immunobiology of Human Milk – How Breastfeeding protects babies, 2004).

Ames et al. décrivent les larges impacts de l’allaitement sur le microbiote et le développement du système immunitaire. Le système immunitaire est immature à la naissance. On peut détecter des lymphocytes B et C actifs chez l’enfant à partir de 12 semaines, mais ils sont beaucoup plus de nature à induire une tolérance aux antigènes qu’à participer à la lutte contre les pathogènes. Par ailleurs, la barrière intestinale présente une certaine perméabilité pendant au moins les 6 premiers mois, ce qui permet la translocation de macromolécules telles que les immunoglobulines (Ig). Le microbiote intestinal se met en place pendant les premières semaines, et il aura un impact majeur sur le développement du système immunitaire, incluant l’acquisition d’une tolérance orale et la mise en place des défenses vis-à-vis des pathogènes. Bien connaître tous les facteurs, en particulier alimentaires, qui modulent tous ces phénomènes est essentiel pour les optimiser chez tous les nourrissons.

Les auteurs font le point sur le sujet : cellules immunitaires, enzymes et protéines bioactives, immunoglobulines, oligosaccharides, miARN.- Ils notent surtout que : « Les laits industriels ne contiennent presque aucun des composants immunomodulateurs du lait humain, et ils ne constituent pas un apport nutritionnel dynamique et personnalisé. »

Thymus

Durant les premiers 2 ans, le thymus de l’enfant allaité a une taille exceptionnel, c’est « l’organe » qui produit les lymphocytes T ou lymphocytes « tueurs » de cellules infectées et qui joue par conséquent un rôle important dans la lutte contre des agressions sur le plan immunitaire. Chez l’enfant non allaité, la taille du thymus est deux fois plus petite.

HAMLET

Le complexe protéino-lipid HAMLET (human alpha-lactalbumin made lethal to tumor cells) a un large spectre d’activité contre des cellules cancéreuses d’origine différentes. (Ho et al. 2017)

Propriétés antivirales

Le geste d’allaiter signifie bien davantage que le seul transfert nutritif de lait humain. C’est un processus biologique dynamique qui nécessite un contact étroit entre la mère et son bébé afin que la mère produise via son tissus mammaire les facteurs de protection en fonction de son environnement et de sa propre exposition à des agents infectieux.

Anticorps contre le SARS-CoV-2 virus, voir la bibliographie ci-dessus.

Facteurs immuno-protecteurs

La liste suivante présente les facteurs immuno-protecteurs qui sont transmis à l’enfant par l’allaitement.

alpha-Lactalbumin (variant)
alpha-lactoglobulin
alpha2-macroglobulin (like)
ß-defensin-1
Bifidobacterium bifidum
Carbohydrate
Casein
CCL28 (CC-chemokine)
Chondroitin sulphate (-like)
Complement C1-C9
Folate
Free secretory component
Fucosylated oligosaccharides
Gangliosides GM1-3, GD1a, GT1b, GQ1b
Glycolipid Gb3, Gb
Glycopeptides
Glycoproteins (mannosylated)
Glycoproteins (receptor-like)
Glycoproteins (sialic acid-containing or terminal galactose)
Haemagglutinin inhibitors
Heparin
IgA
IgG
IgM
IgD
kappa-Casein
Lactadherin (mucin-associated glycoprotein)
lactoferrin
Lactoperoxidase       Lewis antigens
Lipids
Lysozyme
Milk cells (macrophages, neutrophils, B & T lymphocytes)
Mucin (muc-1; milk fat globulin membrane)
Nonimmunoglobulin macromolecules (milk fat, proteins)
Oligosaccharides (env. 200 oligosaccharides humaines connues à ce jour)
Phosphatidylethanolamine
(Tri to penta) phosphorylated beta-casein
Prostaglandins E1, E2, F2 alpha
RANTES (CC-chemokine)
Ribonuclease
Secretory IgA
Secretory leukocyte protease inhibitor (antileukocyte protease; SLPI)
Sialic acid-glycoproteins
sialylated oligosaccharides
Sialyllactose
Sialyloligosaccharides on sIgA(Fc)
Soluble bacterial pattern recognition receptor CD14
Soluble intracellular adhesion molecule 1 (ICAM-1)
Soluble vascular cell adhesion molecule 1 (VCAM-1)
Sulphatide (sulphogalactosylceramide)
Trypsin inhibitor
Vitamin A
vitamin B12
Xanthine oxidase (with added hypoxanthine)
Zinc

Covid-19, l’allaitement et la protection immunitaire

Voir notre page dédiée Covid-19 et allaitement

Composition du lait maternel

Tableau comparatif lait maternel – préparation pour nourrissons

La liste des facteurs immunocompétents transmis de la mère à son enfant via le geste d’allaiter est en elle-même considérable mais ne révèle qu’une partie du fonctionnement de l’allaitement : il ne s’agit pas d’un simple assemblage enerte d’ingrédients, mais d’un liquide biologique dynamique résultant d’une production continuelle et adaptative lors de l’allaitement avec le contact peau-à-peau mère-enfant.

Autrement dit, l’adaptation finement nuancée du lait maternel est le résultat d’un dialogue permanent entre l’environnement microbien de la mère et celui de son enfant. Ainsi la mère fournit, en plus des nombreux facteurs immunologiques non spécifiques transmis, des agents anti-infectieux et facteurs immunologiques ciblés pour son enfant.

Changements dans le lait maternel au cours de l’allaitement prolongé

Les résultats d’une étude menée par Sinkiewicz-Darol E et al (2021) suggèrent un rôle adaptatif du lait humain aux besoins nutritionnels des nouveau-nés et des enfants plus âgés. Cela pourrait favoriser la promotion de l’allaitement à long terme, y compris l’allaitement mixte. Tandem Breastfeeding : A Descriptive Analysis of the Nutritional Value of Milk When Feeding a Younger and Older Child https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33478010/

Le lait humain après la deuxième année de lactation contient des concentrations significativement plus élevées de protéines, de SIgA et d’IgG. La concentration élevée d’immunoglobulines et de protéines au cours d’une lactation prolongée est un argument supplémentaire en faveur de l’allaitement maternel, même après l’introduction d’aliments solides, et devrait être l’un des principaux objectifs de la protection de la santé des enfants. Par conséquent, il est important de considérer, lors de l’élaboration de recommandations, que ce n’est pas seulement le nombre de tétées par jour, mais l’allaitement, en général, qui devrait être poursuivi aussi longtemps que la mère et le bébé le souhaitent, en tant que complément et soutien du système immunitaire en cours de maturation de l’enfant. Czosnykowska-Łukacka MO et al.(2020) https://doi.org/10.3389/fped.2020.00428

Lactoferrine dans le lait maternel. La concentration de Lf dans le lait humain est liée au stade de la lactation ; le colostrum contient plus de 5 g/L, qui diminue ensuite de manière significative pour atteindre 2 à 3 g/L dans le lait mature. Le lait des mères qui allaitent pendant plus d’un an a une valeur standard, contenant des macronutriments dans une composition similaire à celle du lait humain à des stades plus avancés. L’objectif de cette étude était d’évaluer la concentration de lactoferrine lors d’un allaitement prolongé, du premier au 48e mois du post-partum. La valeur moyenne de la concentration en lactoferrine était la plus faible dans le groupe des 1-12 mois de lactation (3,39 ± 1,43 g/L), augmentant significativement dans le groupe des 13-18 mois (5,55 ± 4,00 g/L ; p < 0,006), et restant à un niveau comparable dans les groupes des 19-24 mois et des plus de 24 mois (5,02 ± 2,97 et 4,90 ± 3,18 g/L, respectivement). Czosnykowska-Łukacka MO et al.(2019) https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31581741/

La teneur en protéines du lait humain est négativement associée au volume de production du lait, de sorte que la diminution du volume de lait prédit une augmentation de la teneur en protéines. Bien que le contenu nutritionnel du lait humain soit variable, en moyenne, la concentration en protéines du lait au cours des derniers stades de la lactation est sensible à la baisse de la production de lait. Des études datant de plusieurs décennies ont montré une augmentation de la proportion d’immunoglobulines, de lactoferrine et d’albumine sérique pendant le sevrage ou l’allaitement prolongé. Verd S et al. (2018) https://www.mdpi.com/2072-6643/10/8/1124

L’objectif d’une autre étude était de décrire les changements longitudinaux des concentrations en macronutriments du lait humain au cours de l’allaitement prolongé de mères en bonne santé du 1er au 48ème mois. En ce qui concerne la teneur en macronutriments du lait des mères qui allaitent pendant plus de 18 mois, les graisses et les protéines ont augmenté et les glucides ont diminué de manière significative, par rapport au lait exprimé par les femmes qui allaitent jusqu’à 12 mois. En outre, la concentration de graisses, de protéines et de glucides dans le lait maternel de plus de deux ans, du 24e au 48e mois, est restée stable. Czosnykowska-Łukacka MO et al.(2018) https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30513944/

Différence entre allaitement et « transfert de lait maternel »

II faut par conséquent distinguer entre

  • l’allaitement maternel avec le contact en peau à peau, une interaction entre la mère et sont bébé et le transfert des anticorps de la mère et des agents anti-infectieux par l’allaitement,
    et
  • l’alimentation avec le lait maternel exprimé par l’intermédiaire d’un appareil puis stocké d’une manière ou d’une autre (réfrigéré, congelé, pasteurisé, lyophylisé).

Cela dit, le lait maternel, sous quelle forme que ce soit (tiré cru, tiré pasteurisé, lait de donneuse individuelle ou laits de différentes donneuses poolés…), sera toujours supérieur à un lait artificiel (préparation industrielle pour nourrisson) qui risque d’être contaminé dès la production (voir ici) et ou par la préparation de biberons (suivre les Directives de l’OMS pour la préparation, conservation et manipulation)

Allaitement et informations épigénétiques transférées à l’enfant

Voir la page dédiée Epigénétique

Les risques de l’alimentation artificielle

Les risques sont essentiellement de priver l’enfant des nombreux composants bio-dynamiques du lait maternel. Pour obtenir des informations sur les bénéfices de l’allaitement, consultez The Lancet Breastfeeding Series 2016. En ce qui concerne la régulation de la santé à court et à long terme, il faut garder à l’esprit que « Les laits industriels ne contiennent presque aucun des composants immunomodulateurs du lait humain, et ils ne constituent pas un apport nutritionnel dynamique et personnalisé. » Voir ci-dessus, Ames SR et al. 2023 https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37055920/

Ces risques sont connus depuis longtemps. Le document suivant, rédigé par le Dr Jack Newman, énumère les résultats des recherches sur l’impact négatif de l’alimentation articifielle à partir de 1998.